Arnold en Belgique 2/*
Suite des notes prises par notre journaliste embarqué en tournée au plat pays, inspiré le bonhomme…
Vendredi 26, 18h02
Une ferme bio, une communauté d'une trentaine de personnes, on arrive de nuit, une salle toute de bois, ça fait chalet de montagne, le climat aide. 70 places assises dans une pièce pyramide, lieu acoustique pour écouter de la musique, le bar au fond qui sert des bières bio. Premières minutes, premières impressions, Alain le chef des lieux nous accueille au son d'un provoquant "alors vous arrivez de Sarkozie, pour l'asile politique c'est le bureau d'à côté", réplique cinglante des musiciens "nous au moins on a un pays", tout le monde se marre mais personne ne nous offre de bière.
Vider le camion, tout installer, musicien en tournée quand t'es pas les Stones, t'es déménageur. Ils attaquent les balances, Alain fait le son et les lumières, matos rudimentaire mais la pièce sonne bien. L'occasion de se faire mes premières impressions sur le groupe, guitare plutôt manouche qui s'électrice et s'encanaille, le bassiste groove variété, ça sent l'efficace, batteur fait le taf et le clavier, Benjamin, jubile, un demi queue trône sur le côté de la scène, il s'y essaie. Quelques bribes de couplet m'extraient de mes pensées, "personne n'achètera mon CD, même si je suis décédé, pas d'éloges dans Gala ni de loge à l'Olympia", une histoire de chanteur de division 2 de la nouvelle scène française, ça colle au lieu, j'esquisse un sourire, pas mécontent de m'être fait embarquer dans ce plan de chemins vicinaux.
19h26
A TABLE ! Ca sonne pas vraiment comme une proposition. Tout le monde s'exécute, on débarque dans la salle commune, quelques posts baba finissent leur soupe. Une table dressée, une soupe, des carottes, du fenouil, pas de viande, pas de vin, pas vraiment un catering de musiciens. Félix va chercher un chauffe gosier au fond du C15, une vodka arrangée, ça fait passer le riz complet. Déjà temps d'aller se préparer, y'a comme un truc dans l'air qui se tend. Je suis les musiciens en loge qui vont se changer, suis devenu invisible. Ca continue à chambrer, ça se marre et puis plus du tout, j'ai pas bien saisi mais on a basculé. Trois échanges secs, ressentis déballés, forcément des relents de passé. Ca s'arrête comme c'est arrivé, heure du concert, faut commencer.
20h37
17* personnes. Au moins c'est plus que de musiciens. Ils sont pro, ils attaquent frontal, pas de minauderies, ça aurait été une grosse salle, ai l'impression que ça aurait été pareil.
Ellipse.
22h40
Dernier rappel, moment rare, public fait du bruit pour 50, des sourires un peu niais accrochés, se sont laissés embarquer sans trop savoir dans quoi ils sont montés, faut dire que tout était rassemblé pour que ce soit pas vraiment un succès mais les gars ont joué. Et puis cette ambiance de salon, c'était parfait pour découvrir un auteur, des textes intelligents, fins, diablement dans l'air du temps, des trucs de génération, consensuels comme il faut pour prétendre à France Inter, ça doit bien leur pendre au nez, parait que Radio Canada est déjà fan.
Assurément l'ambiance est pas partie pour s'échauffer, les Arnold décident de tout remballer au plus vite et de prendre la tangente pour rentrer à Bruxelles chez Hadrien. 1 heure de route, quartier Saint Gilles, en plein boboland, il habite une superbe maison de maitre sur 5 niveaux entièrement refaite par lui et son amie architecte. La soirée que ne leur auront pas offert les bobio, ils ont bien décidé de se la payer maintenant. Fonds de bouteilles et le plein d'inspiration éthylique ; très vite les guitares sont sorties, ça gratte, ça tente, ça cherche, en confiance, personne n'écoute. Hadrien chante en espagnol, une reprise de Juan Manuel Serrat que Jérémie veut traduire en français, Mediterraneo, "un chant de blé, un brin de toi, un grain de sable dans la voix", ça file des frissons. Ça chambre sur le slam, les "Grand Corps Malade" et Abd El Malik en prennent pour leur grade, Félix décide d'en improviser un, un vrai flow de rythmicien et tout le monde autour qui s'échauffe, un bon numéro de freestyle, il faut dire que le niveau d'alcoolémie anesthésie quelque peu le sens critique. Déjà 4h00, je laisse les musiciens qui n'en ont pas encore terminé, nous ne sommes que le premier soir.