Arnold en Belgique 3/*
Troisième épisode des aventures d'Arnold chez les wallons, par notre mystérieux journaliste…
Samedi 27
Réveil. Pendant mon sommeil m'ont rejoint dans la chambre deux imbibés du groupe. Certains perdent de leur superbe dans le secret de leur sommeil, en dire plus serait déloyal. Nous nous retrouvons dans le salon, ça émerge sur le canapé pris dans des sarcophages duveteux. Commence alors une valse autour de la Nespresso, ce totem moderne provoque un drôle de rituel. Une équipe se motive pour aller chercher des viennoiseries, je prends un double aspirine. Retour des aventuriers matinaux (il est 12h30…), leur paresse fut leur testament, entrés dans la boulangerie la plus proche, celle qui voulait avoir l'air mais qui n'avait pas l'air du tout, ils nous ramènent une collection de croissants et de pains au chocolat jaune autobronzant, la margarine est un crime pâtissier.
Les musiciens errent incertains dans ce salon qui rétrécit à mesure que les dernières nausées alcooliques s'évaporent, les instruments s'activent pour repousser les murs, on reprend les idées de la veille au soir mais maintenant on structure, on enrichit, on corrige, on ajuste, on stabilise. Je me fais expliquer que la nuit est bonne pour les fulgurances et les matins pour arranger tout cela, Mediterraneo reste à toute heure une belle reprise.
Rassérénés, c'est à l'estomac de se réveiller, après une dernière heure à travailler la chanson "Misogyne", tout le monde se désole de ne pas pouvoir se caler les santiags sous la table et de déguster un bœuf carotte réalisé par madame. Direction l'Union, bar-restaurant de la place Saint Gilles, repère d'Hadrien le guitariste, l'ambiance y est décontractée, jeune, populo aussi et pourtant sans ostentation, sans snobisme de classe ni fierté de l'entre soit. Autant dire qu'un lieu pareil ne pourrait exister à Paris. Leurs grandes lasagnes sont une parfaite synthèse entre cuisine familiale et junk food régressive, ça trempe dans la crème, c'est sucré, homogène de goût et texture, à la fois écœurant et addictif**.
Deux musiciens sont posés à côté de notre table, trombone et guitare, ça joue bop et ça enchaîne les standards, Jérémie observe d'un air entendu, il suit la partition, tapant du pied, il fronce les sourcils aussi parfois, le jazz c'est autre chose. J'apprends qu'Hadrien lui aussi bosse le jazz en plus du manouche, ça parle accords, diminués, augmentés, le guitariste tartine technique. Hadrien sature, ça le déprime, on s'éclipse, heure de rentrer, bientôt départ pour Mons.
Coup de fil un peu plus tard, j'entends XLR, Jack, retour, console, direct, SM58 et rhum. Félix raccroche. Il a sourire d'un gamin qui vient de voir le père Noël, regard interrogatif des autres membres du groupe : "Il m'a demandé c'était quoi notre alcool préféré !". Je reste interloqué, les autres aussi sont extatiques. Pour un musicien, le bonheur c'est simple comme un patron de bar attentionné …
Temps de partir, côté transport, ils prennent vite des habitudes, chacun sa place et moi en copilote officiel du C15, je constate que le chauffage y fonctionne mais jusqu'au bassin, en dessous règne la banquise, j'ai une heure pour faire ce constat, c'est dire s'il est circonstancié ! Arrivée à Mons, direction grand place, on s'embarque dans une zone piétonne, le "Bateau Ivre" nous attend dans une petite rue qui donne sur la place. Une fête foraine comme on en voit plus occupe cette dernière, le décor fait carton pâte, les éclairages sont tout droit sortis de Cineccitta et les badauds de chez Fellini, bien envie d'aller m'y frotter, pas de chance il faut vider le C15, ils ont dû oublier pour quoi j'étais là, je porte de plus en plus d'ampli…
Pour le lieu, changement complet d'ambiance, le "Bateau Ivre" est un beau café concert qui sent les fonds de fût et les soirées explosives. La scène de bonne taille, légèrement surélevée est armée de deux enceintes qui crachent un son massif. La balance montre une autre facette du groupe, ils ont prévu de mettre ce soir l'énergie qu'ils ont toute canalisée hier soir. Pour le son c'est ok, catering éclair à l'étage, Hadrien fait son infarctus-rupture d'anévrisme-malaise habituel d'avant concert, il parait que c'est sa façon à lui de se concentrer, tout le monde descend… Un dernier ingrédient pour que la préparation soit parfaite : une clope au comptoir, ils sont sur une volute.
** Texte censuré